La séduction perverse
par M.F Hirigoyen
La relation perverse se met en place en deux temps, l’une de séduction perverse, l’autre de violence manifeste.
La première phase que Racamier a nommé le décervelage peut se dérouler sur plusieurs années. Elle se construit progressivement pendant les premiers temps de la relation, par un processus de
séduction. C’est une phase de préparation au cours de laquelle la victime est déstablisée et perd progressivement confiance en elle. Il s’agit d’abord de la séduire, puis de l’influencer pour
enfin, la mettre sous son emprise, en lui retirant toute parcelle de liberté.
La séduction consiste à attirer irrésistiblement mais aussi dans un sens plus juridique, à corrompre et suborner. Le
séducteur détourne de la réalité, opère par surprise, en secret. Il n’attaque jamais de manière frontale, mais de façon indirecte afin de capter le désir de l’autre, d’un autre qui l’admire, qui
lui renvoie une bonne image de lui. La séduction perverse se fait en utilisant les instincts protecteurs de l’autre. Cette séduction est narcissique il s’agit de chercher dans l’autre
l’unique objet de sa fascination, à savoir l’image aimable de soi. Par une séduction à sens unique, le pervers narcissique cherche à fasciner sans se laisser prendre. La présence de l’autre est
vécue comme une menace, pas comme une complémentarité.
L’influence consiste, sans argumenter, à amener quelqu’un à penser, décider ou se conduire autrement qu’il ne l’aurait
fait spontanément. La personne cible de l’influence ne peut consentir a priori librement. Le processus d’influence est pensé en fonction de sa sensibilité et de ses vulnérabilités.
L’emprise c’est la domination intellectuelle ou morale dans une relation de domination. Le pouvoir entraîne l’autre à suivre par la dépendance, c’est-à-dire acquiescement et adhésion.
Il y a trois dimensions principales à l’emprise
- une action d’appropriation par dépossession de l’autre ;
- une action de domination, où l’autre est maintenu dans un état de soumission et de
dépendance ;
- une dimension
d’empreinte, où l’on veut laisser une marque sur l’autre.
Parce qu’elle neutralise le désir d’autrui et qu’elle abolit toute sa spécificité ;
l’emprise comporte une indéniable composante destructrice. Petit à petit, la victime voit sa résistance et ses possibilités d’opposition grignotées. Elle perd toute possibilité de critique.
Empêchée d’agir, littéralement «érée », elle est rendue complice de ce qui l’opprime. Cela ne constitue en aucun cas un consentement elle est
chosifiée ; elle ne peut plus avoir de pensée propre, elle doit penser comme son agresseur. Elle n’est plus autre à part entière, elle n’est plus un alter ego. Elle subit sans consentir,
voire sans participer.
Les victimes décrivent toutes une difficulté à se concentrer sur une activité lorsque leur persécuteur est à proximité. Celui-ci offre à l’observateur de la plus parfaite innocence. Un grand
décalage s’instaure entre son confort apparent et le malaise et la souffrance des victimes. Ce dont elles se plaignent à ce stade, c’est d’être étouffées, de ne rien pouvoir faire seules. Elles
décrivent la sensation de ne pas avoir de pensée.