10 Janvier 2013
Le Dr Jeffrey Schwartz est professeur de psychiatrie à l’Université de Californie de Los Angeles, leader dans la recherche sur la neuroplasticité du cerveau et co-auteur de plusieurs livres traitant des recherches sur le cerveau, dont: You are not your brain, Brain lock and the Mind and the brain.
Il a démontré que les facteurs environnementaux agissent sur le fonctionnement du cerveau, et que les êtres humains sont les seuls à pouvoir jouir de la capacité d’en exploiter les mécanismes de reconnexion.
Ils peuvent donc apprendre à changer les réactions de leur cerveau en se concentrant différemment. Une attention focalisée influence le mode de réponse du cerveau et laisse des traces physiques visibles par imagerie.
En cas de symptômes causés par des problèmes neuronaux connus, comme des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) au cours desquels les patients ont des pensées indésirables et dérangeantes, ou d'un accident cérébrovasculaire, il est possible de réeduquer le cerveau des patients afin d'avoir une bonne réponse thérapeutique.
Dans les années 1980, les imageries du cerveau de ces patients montraient un cortex frontal orbital (partie inférieure du cerveau antérieur) hyperactif avec rupture au niveau du contrôle de la vitesse dans une structure appelée le noyau caudé.
Ces informations sur le cerveau ont été utilisées pour faire comprendre aux patients que leurs pensées envahissantes et indésirables étaient provoquées par un problème de câblage cérébral qui faisait qu’ils avaient ces pensées.
Ils ont ainsi pu admettre que ces idées n’avaient rien à voir avec eux.
Quand ils ont commencé à réagir différemment du fait de cette prise de conscience leur état clinique s’est amélioré, et les imageries de leur cerveau au niveau du cortex frontal orbital et du noyau caudé a changé. Des résultats probants sont intervenus avec une formation adaptée et un travail thérapeutique.
La connaissance, la façon d’aborder une situation et la façon de réagir, liées aux efforts de concentration et de l’attention, permettent de "recabler" le mécanisme cérébral. Les symptômes sont de faux messages transmis par le cerveau, et sont réellement le résultat d’un problème médical.
Les personnes qui souffrent de TOC pourraient en comprenant les mécanismes de leur problématique, répondre différemment aux pensées et envies envahissantes.
Non seulement leur cerveau en serait modifié, mais de plus cette démarche permettrait de ne plus lui être asservi.
Nous savons aujourd'hui que tout acte répétitif fait naître une reconnexion au niveau du cerveau. Ce principe est similaire à la règle de Hebb* : brièvement, les cellules du cerveau qui s’excitent ensemble se connectent ensemble. C’est un principe scientifique reconnu. donc une attention ciblée peut amener des circuits cérébraux à s’exciter ensemble, puis à se connecter ensemble; il s’agit du mécanisme constitutif fondamental grâce auquel on restructure son cerveau.
Le terme utilisé pour la phase d’introspection de la thérapie est le mindfulness, la pleine conscience : regarder à l’intérieur de soi, d'un point de vue calme et rationnel, comme pourrait le faire un observateur extérieur, impartial et équitable. Cela permet d’échapper à ses craintes... Bien entendu au début, c'est difficile car les pensées reviennent en puissance, mais en continuant l'observation, on arrive au fur et à mesure à diminuer ses craintes.
Une aide efficace pour les angoisses et les TOC (troubles obsessionnels compulsifs) grace à la neuroplasticité du cerveau, selon le Dr Jeffrey Swartz :
"NE PAS CROIRE TOUT CE QUE L'ON PENSE !
Le problème des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et des angoisses est qu'ils n’existent que dans la tête de la personne qui en est la victime, car son cerveau lui fait croire des choses qui sont en réalité des connexions cérébrales qui lui jouent des tours.
Dechirée par un conflit interne, plus la personne cède aux TOC et aux angoisses et plus le problème s'aggrave. Le sentiment d’être pris au piege et obligé d’agir contre sa volonté est un mécanisme dangereux, car l’impression d’être enfermé dans son esprit, avec un niveau d’anxiété et de stress aîgu, peut conduire à plus ou moins long terme à l’effondrement .
Quand on s’inquiète, cela se passe en 3 étapes.
- 1. D’abord une aire située à l’avant du cerveau détecte une erreur.
- 2. Elle envoie un signal à une autre zone du cerveau : le cortex cingulaire antérieur, c’est lui qui déclanche le sentiment d’inquiétude et fait qu’on reste fixé dessus, jusqu’à ce que l’erreur soit corrigée.
- 3. Quand l'erreur est corrigée, une troisième aire du cerveau, le noyau caudé fonctionnant comme une boite de vitesse cérébrale nous fait passer à autre chose.
Chez les individus qui souffrent d’un TOC cette boite de vitesse est grippée, ça bloque, et la personne cherche à corriger l’erreur encore et encore.
A chaque fois qu’elle y parvient, son inquiètude est apaisée pour un temps.
Mais les neurones qui sont activés se connectent entre eux, et la personne doit de façon obsessionnelle continuer à corriger l’erreur pour calmer son angoisse.
Ça marche momentanément, mais à long terme, l’obsession s’aggrave."
"Le TOC est un cercle vicieux, plus on nettoie, plus on vérifie et plus ça s'empire.
C’est logique du point de vue de la plasticité du cerveau. Plus une personne pense aux microbes, plus elle établie involontairement des connexions entre microbes et danger dans son cerveau, plus elle augmente la problématique au lieu de renforcer le noyau caudé pour passer à autre chose.
Mais si les symptômes sont aggravés en répétant indéfiniment les gestes dictés par les TOC, le fait de résister à la compulsion, au regard de la plasticité neuronale, peut aider le cerveau à activer et renforcer des circuits parallèles qui, répétés régulièrement affaibliront les circuits pathologiques, et pourront changer la façon dont le cerveau fonctionne.
En ayant conscience qu’il s’agit d’un TOC, puis en se concentrant activement sur autre chose, la personne se donne la capacité de développer une conscience intérieure, de changer son mode de croyance et d'adopter la possibilité de prendre de la distance en s'observant tel un spectateur impartial."
Ne pas croire tout ce que l'on pense, résume exactement le mécanisme des TOC, le cerveau nous fait croire des choses qui sont en réalité des connexions cérébrales qui nous jouent des tours.
Le Dr Jeffrey Swartz a mis au point une thérapie en 4 étapes qui imite la théorie des moines bouddhistes : la pleine conscience, le but est que le cerveau travaille pour le patient, et non contre lui.
"- Etape 1: Prendre du recul, redéfinir ce qui arrive, afin de comprendre qu’on n’est pas victime des microbes, du besoin de contrôle, de l’angoisse etc. mais de son obsession. Redéfinir ce qui se passe, c’est un TOC. Mon TOC fait que j’éprouve le besoin de ….
- Etape 2: Se dire que les pensées obsessionnelles sont dues à des connexions cérébrales pathologiques et se rappeler les interactions entre les 3 zones concernées du cerveau. On attribue l’angoisse ressentie à une action du cerveau.
- Etape 3: se recadrer. Détourner manuellement son attention de l’action pathologique, et la reporter sur un comportement sain et constructif. Faire autre chose.
C’est là que la neuroplasticité intervient. En utilisant son cerveau et en concentrant son attention de manière constructive on stabilise des connexions cérébrales parallèles.
- Etape 4: constater que les obsessions et les compulsions diminuent et les considérer comme des détournements parasites de l’attention auxquelles il ne faut pas céder."
"Quand on fait cela régulièrement, on restructure son cerveau. Quand on est pris du besoin irrépressible de se laver les mains ou de contrôler, il est important de le reconnaître et de se dire qu'il s'agit d'un TOC. Et là votre cerveau travaille pour vous et non contre vous et vous permet de prendre de la distance.
Le scanner de patients qui ont utilisé cette methode montre une amélioration du noyau caudé qui n’est plus grippé, parce que ces patients ont réussi à se focaliser sur autre chose que sur leurs angoisses, leur cerveau a changé sa structure et son fonctionnement par l’action de la pensée."
En conclusion:
On peut transformer radicalement la structure profonde de sa nature biologique par une prise de conscience, des efforts et de la concentration. La neuroplasticité auto-dirigée est efficace car elle peut aider à moins souffrir en travaillant à construire et à renforcer d'autres réseaux neuronaux qui participeront à un changement significatif et (ou) accompagnatif pour ceux qui sont déjà en thérapie.
Un formidable message d'espoir pour apprendre à lâcher prise sur le contrôle des illusions !
Marie-Agnès Thulliez
Message d'accompagnement de la vidéo : Les étonnants pouvoirs de transformation du cerveau :
"Pendant des siècles, on a considéré le cerveau humain comme un organe figé. Or, les
recherches récentes ont misen évidence ses incroyables capacités de réorganisation structurale
et fonctionnelle. Après s'être penché sur la plasticité neuronale et ses effets possibles sur des
handicaps physiques dans un premier film diffusé par ARTE en 2009, le psychiatre Norman
Doidge explore ici les implications de ces capacités d'adaptabilité dans le traitement des
troubles mentaux. Du Canada à l'Espagne, il part à la rencontre de chercheurs qui, s'appuyant
sur "les étonnants pouvoirs de transformation du cerveau" - titre du best-seller du docteur
Doidge, paru chez Belfond en 2008 -, pourraient révolutionner le quotidien des patients
atteints de troubles obsessionnels compulsifs, de stress post-traumatique, d'aphasie ou de
schizophrénie, et leur offrir un espoir de guérison."
Pour voir la vidéo: Cliquer ici :
Les étonnants pouvoirs De Transformation Du Cerveau (Arte) - YouTube. Subscribe 377. All Comments (0 ...