10 Novembre 2008
Dépression avant ou après l'accouchement : les oméga-3 doublement bénéfiques !
Le Dr Marie-Josée Poulin, psychiatre et responsable médicale du Programme de psychiatrie périnatale au Centre hospitalier Robert-Giffard1, a fait une analyse exploratoire de l'ensemble des données portant sur le potentiel des oméga-3 dans le traitement de la santé mentale des femmes.
« Les femmes enceintes ou ayant récemment accouché qui souffrent de troubles psychiatriques doivent absolument être traitées, notamment parce que le taux de suicide est 70 fois plus élevé durant l'année qui suit un accouchement que durant toute autre période de la vie d'une femme » précise le Dr Poulin.
Cependant, le type de traitement à adopter place les médecins devant un choix très difficile. Comme le souligne le Dr Poulin : « En psychiatrie périnatale, la non-exposition, n'existe pas. Le foetus ou le bébé sera exposé, soit à la médication, soit à la maladie dont la mère souffre ».
En effet, les médicaments psychotropes consommés par la mère sont sécrétés dans le lait maternel. « Les rapports d'effets indésirables sont peu nombreux, mais présents et sous rapportés », indique Dre Poulin. Par contre, on en sait un peu plus sur les risques associés aux psychotropes sur le foetus : malformation des organes, toxicité néonatale (au moment de l'accouchement) et conséquences sur le développement comportemental ultérieur. « Bref, nos médicaments ne sont pas des bonbons! ». Et, malheureusement, les femmes sont aussi plus fragiles que les hommes aux effets indésirables des médicaments psychotropes.
Des bénéfices multiples
Il semble clair que les oméga-3 sont très bénéfiques pour le développement du cerveau et de la rétine du foetus et qu'un apport adéquat chez la mère réduit le risque de prématurité, de prééclampsie et de paralysie cérébrale chez le bébé. De plus, ils sont favorables au bon fonctionnement des neurotransmetteurs de la mère.
« Par exemple, souligne le Dr Poulin, on sait qu'ils régularisent et stabilisent la fluidité et la viscosité des membranes neuronales. Or, une des hypothèses actuelles sur les causes de la dépression, c'est que les membranes des neurones deviennent plus visqueuses, ce qui influence négativement le fonctionnement des neurotransmetteurs ».
Des données épidémiologiques ont également permis d'établir un lien entre une faible consommation de produits marins (riches en oméga-3) et une prévalence plus élevée de troubles bipolaires2, de schizophrénie, de dépression3 et de dépression pré et post-partum4. On sait aussi que l'augmentation de ces troubles mentaux au cours du XXe siècle correspond à une augmentation des apports en oméga-6 et à une diminution de ceux en oméga-3.
« Les oméga-3 méritent de figurer en bonne place pour le traitement de la dépression chez les femmes, notamment en raison de leur innocuité en cas de grossesse et d'allaitement et aussi parce qu'on sait que les apports sont insuffisants en Amérique du Nord, affirme la psychiatre.
Le traitement naturel que nous utilisons beaucoup actuellement est la luminothérapie. Je pense que nous devons aussi avoir recours à d'autres traitements comme les oméga-3, dont la feuille de route est prometteuse. Cependant, les gynécologues sont réticents à recommander une consommation accrue de poisson aux femmes enceintes à cause de leur teneur élevée en différentes substances toxiques et ils se méfient des suppléments d'huile de poisson pour les mêmes raisons. Ils me disent de ne pas prescrire d'oméga-3 aux femmes enceintes. Nous allons devoir leur parler! » (Voir notre nouvelle Poisson : très peu de contaminants, beaucoup d'avantages).
Les propos du Dr Poulin ont été recueillis le 15 mars 2005, à Québec, lors d'une journée-conférence organisée par la Chaire Lucie et André Chagnon pour l'avancement d'une approche intégrale en santé5 et par l'Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF), avec l'appui financier de la Direction des produits de santé naturels de Santé Canada.
Des statistiques préoccupantes La prévalence à vie de la dépression est deux fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes. De plus, les fluctuations hormonales (menstruations, grossesse, préménopause) aggravent l'instabilité affective des femmes atteintes et augmentent le nombre de rechutes. Les troubles psychiatriques augmentent de façon marquée durant les mois et les semaines suivant un accouchement. Les données statistiques révèlent notamment qu'une femme enceinte sur dix fait une dépression majeure et qu'en post-partum, cette affection touche une femme sur huit (il s'agit ici d'un trouble grave, pas de la petite déprime post-partum temporaire qui survient fréquemment dans les deux semaines suivant la naissance). Triste constat : on estime que la moitié des femmes atteintes d'une dépression post-partum ne sont ni diagnostiquées ni traitées! |
Le Dr Poulin est également responsable médicale du Programme des troubles psychotiques au Centre hospitalier Robert-Giffard, qui est affilié à l'Université Laval et professeure de clinique à l'Université Laval.
Noaghiul S, Hibbeln JR. Cross-national comparisons of seafood consumption and rates of bipolar disorders. Am J Psychiatry. 2003 Dec;160(12):2222-7.
Hibbeln JR. Fish consumption and major depression. Lancet. 1998 Apr 18;351(9110):1213.
Hibbeln JR. Seafood consumption, the DHA content of mothers' milk and prevalence rates of postpartum depression: a cross-national, ecological analysis. J Affect Disord. 2002 May;69(1-3):15-29.
Veuillez noter que la Fondation Lucie et André Chagnon soutient la Chaire Lucie et André Chagnon pour l'avancement d'une approche intégrale en santé ainsi que le Réseau Proteus.