10 Novembre 2008
Conseils aux personnes souffrant de troubles bipolaires | |
dernière mise-à-jour 27 avril 2007
(conseils rassemblés par minos)
Le diagnostic
Les troubles bipolaires touchent environ 1% de la population et cependant de nombreux cas ne sont pas diagnostiqués et ne peuvent donc pas bénéficier de traitements. Plusieurs raisons :
Il importe donc de ne pas sous estimer des symptômes mineurs qui peuvent être des équivalents dépressifs et éviter de minimiser sa souffrance devant le médecin.
La souffrance entraînant une consultation est généralement due à un épisode dépressif sévère. Le diagnostic porté est alors celui de dépression, voir de dépression "récurrente" ou "endogène" si d'autres épisodes antérieurs sont connus du médecin.
En fait les épisodes hypomaniaques ou maniaques ne sont pas ressentis comme douloureux sur le moment et ne sont pas vécus comme résultant d'une maladie. Ce sont les retombées familiales, affectives ou socioprofessionnelles de ces épisodes maniaques qui engendrent une souffrance morale.
La reconnaissance des épisodes maniaques et leur alternance avec les phases dépressives sont à la base du diagnostic. Il est donc important de prendre conscience que le fait de présenter des dépressions récurrentes, avec des intervalles pendant lesquels on se sent bien, peut correspondre à un trouble bipolaire.
Le plus souvent c'est l'entourage qui pourra vous faire remarquer que, en dehors de vos phases dépressives, vous êtes un "battant" plein d'énergie, d'enthousiasme, mais que vous en faites trop et que vous ne pouvez plus assumer les engagements pris. Il peut vous faire comprendre qu'à certains moments votre comportement devient hors norme, ce qui généralement vous irrite.
Il faut savoir rapporter ces propos au médecin, voir même demander à un de vos proches de venir avec vous lors d'une consultation pour qu'il puisse décrire votre comportement. Cette démarche demande une grande confiance en l'autre et une certaine humilité. Ce qui n'est pas facile lors d'un épisode bipolaire quel qu'il soit.
Les relations d'un patient souffrant d'un trouble bipolaire avec les médecins sont souvent mouvementées et conflictuelles. Il existe quelques fois un ressentiment du malade vis à vis des médecins consultés avant que le diagnostic soit clairement porté.
Des années de "mal vivre" les ont amenés à consulter de nombreux médecins dans l'espoir, toujours déçu à long terme, de vivre normalement. Quelquefois même ce sont les malades qui, à force de se renseigner sur ce qu'ils ressentent, finissent par faire leur diagnostic et le présentent "sur un plateau" au médecin.
On comprend aisément que l'autorité et la compétence du corps médical soient un peu ternies chez ces personnes. Au delà du ressentiment pour absence de diagnostic, il existe une réaction de rejet du médecin chez les malades à qui l'on annonce brutalement qu'ils sont porteur d'une maladie grave et chronique.
Inconsciemment le médecin diagnostiqueur est rendu symboliquement responsable de la maladie et l'espoir du traitement sera recherché chez d'autres confrères.
Trois objectifs doivent guider la relation avec les médecins:
Il est tout à fait normal, lorsque le diagnostic de trouble bipolaire est évoqué, de consulter un spécialiste pour confirmation. Une fois cela fait il faut accepter "l'étiquette" difficile à assumer de malade psychiatrique. Il serait illusoire d'essayer de nier le diagnostic et de chercher une solution chez des thérapeutes divers, guérisseurs ou autres gourous.
Les troubles bipolaires sont la plus organique (au sens de perturbation neurochimiques du cerveau) des maladies mentales. Le recours au psychiatre est incontournable. Il faut le choisir plus en fonction de son ressenti relationnel que de sa compétence supposée.
Une fois un projet thérapeutique élaboré en commun il faut jouer "franc jeu" avec lui, conserver la confiance malgré les effets secondaires des médicaments (il n'y a pas de médicaments sans effets secondaires), malgré l'absence d'amélioration rapide (il faut souvent plusieurs mois pour ressentir enfin les effets bénéfiques du traitement), malgré les changements de traitement (il n'existe aucun traitement efficace chez tous les malades), malgré les conseils inavisés des proches ("tu devrais plutôt voir le médecin du cousin de la voisine...").
Par contre il ne faut pas adopter d'attitude infantile ou passive avec son médecin pour lui plaire ou par crainte de son jugement. Il faut lui faire part des effets secondaires, des difficultés rencontrées, des réticences par rapport à tel ou tel type de traitement, de l'absence de résultats. Il est difficile pour un médecin de sentir exactement de quelle quantité d'informations le patient à besoin. Certains se contentent du diagnostic initial et suivent docilement les traitements, d'autres sont avides d'informations détaillées de leur maladie. N'hésitez pas à questionner précisément le médecin en sachant cependant qu'il vaut mieux éviter de poser des questions dont on est incapable d'assumer la réponse (soit sur le plan de termes scientifiques, soit sur le plan psychologique). Il faut aussi savoir que les médecins sont également des hommes qui ont leur susceptibilité et leurs fragilités et qu'ils n'aiment pas être piégés, trompés, mis en défaut, accusés à tort ou à raison.
Outre les traitements médicamenteux, les psychothérapies ou sismothérapies, l'hygiène de vie est un point fondamental de la prise en charge à long terme des troubles bipolaires. Tous les spécialistes insistent sur ce plan car les médicaments seuls ne peuvent pas redonner miraculeusement une vie totalement "normale" sans la participation active du patient.
Classiquement les épisodes maniaques commencent par une diminution du besoin de sommeil, à différencier de l'insomnie banale ou le patient à envie de dormir mais n'y arrive pas. Les épisodes dépressifs généralement donnent envie au patient de rester au lit même si la qualité du sommeil est, là aussi, perturbée. Au delà de ces symptômes le manque de sommeil peut induire à lui tout seul le déclenchement d'un épisode maniaque. Il est donc capital de gérer son sommeil. Quelques petits conseils qui peuvent paraître dérisoires sont cependant très profitables si on les respecte.
- Évitez grasse matinée et sieste.
- Votre chambre doit être exclusivement un espace à dormir. Pas de bruit (fenêtre double vitrage, boule "Quies"), literie de qualité.
- Couchez vous dès que vous ressentez une certaine fatigue, ne luttez pas contre le sommeil.
- Pas de caféine (café, thé, coca) 6 heures avant de vous coucher.
La consommation excessive d'alcool est beaucoup plus fréquente chez les bipolaires que dans la population générale. Plusieurs explications à ce que les médecins appellent une "comorbité" (association plus fréquente que la normale de deux maladies).
L'installation d'une dépendance à l'alcool (conduites addictives) vient aggraver les troubles bipolaires, diminuer les facultés du malade à gérer les conséquences de sa maladie, interférer avec les médicaments.
Quant aux drogues qui agissent directement et violemment sur la "thymie" (l'humeur), leur nocivité est évidente déjà pour une personne non malade. Les drogues "dures" de type stimulantes (amphétamines, cocaïne, ectasy...) induisent des épisodes maniaques et peuvent révéler un trouble bipolaire latent (ce qui est également vrai pour les autres pathologies mentales).
Les effets du cannabis et ses dérivés sont moins documentés quand à leur impact sur les troubles bipolaires. Leurs effets pharmacologiques désinhibants sont théoriquement susceptibles d'avoir les mêmes conséquences que l'alcool.
- une réunion de travail où l'on lance de grands projets, des challenges, des objectifs audacieux et pour lesquels le bipolaire en phase maniaque est tout désigné pour les conduire à bien. "Quel cadre dynamique"!
- une réunion associative à but humanitaire où l'on demande des bonnes volontés pour assumer telle ou telle tache. Le bipolaire sera systématiquement volontaire dans de multiples activités. "Quel dévouement"!
Tous ces types de situations favorisent le développement des phases maniaques ou hypomaniaques et "après le feu on récolte la cendre": la phase dépressive.
Des bipolaires, avec beaucoup d'expérience, arrivent à mettre en place ce qu'ils appellent des clignotants d'alarme. Ils savent que, s'ils se trouvent dans une situation stressogène typique, il y a risque de dérapage s'ils ne respectent pas ces clignotants (temps de parole supérieur aux autres, envie de prendre un deuxième verre de whisky, permission de minuit dépassée, plus d'un rendez-vous par jour....).
Évidement ces conseils ressemblent fort à une règle monastique et évoquent la morale stoïcienne qui n'est pas dans l'air du temps hédoniste. De nombreux malades ont cependant gagné ainsi, en visant le long terme, une vie plus sereine. Et le monastère vaut mieux que l'hôpital psychiatrique!
Plus que les conséquences financières ou professionnelles, ce sont les ruptures affectives avec les êtres aimés qui marquent le plus profondément. La maladie bipolaire n'arrive pas à effacer à long terme les sentiments profonds mais elle parvient trop souvent à détruire définitivement des relations affectives en laissant des cicatrices indélébiles dans les coeurs.
Faire toujours confiance dans les sentiments profonds est le seul moyen de dépasser les incompréhensions, les querelles, les drames, les séparations. Ce n'est pas forcément l'être le plus proche au quotidien qui est le meilleur soutien car il n'a pas suffisamment de neutralité dans ses réactions comportementales et manque de distanciation pour appréhender la succession des phases. Souvent il s'agit d'un père ou d'une mère, d'un frère ou une sœur, d'un ami de longue date, qui sera le soutien indéfectible.
C'est grâce à ce soutien que le bipolaire va pouvoir analyser plus objectivement sa maladie, se fixer des buts utiles et accessibles, lui confier certaines responsabilité à assumer lors des phases de la maladie. Il sera le principal "clignotant" pouvant avertir de l'approche d'une crise. Il sera toujours le refuge après la tempête. Même s'il ne comprendra pas forcément, il pardonnera.
Il n'y pas que le médecin et les proches pour aider le malade. La société a mis en place tout un système législatif : des aides sociales, des réseaux de soin, des règlements administratifs, un code du travail etc. ... afin de protéger le malade psychiatrique dans une optique de solidarité sociale. Cette aide anonyme sur un plan matériel, dépourvu évidement de tout support affectif, est souvent vécu comme "allant de soi" dans l'esprit de notre société actuelle.
Paradoxalement ces aides, de par leurs diversités et leurs complexités, sont souvent négligées ou ignorées par les malades bipolaires. En effet les textes administratifs, de par leur nature statutaire, ne sont pas adaptés à des situations cycliques, mouvantes, chaotiques. Il faut une connaissance détaillée des textes, une persévérance certaine dans les démarches, l'effacement d'une fierté orgueilleuse de ne pas être "au crochet" de la société.
Les conséquences financières, professionnelles, sociales de cette maladie sont trop graves pour faire fi des ces aides. Une prise en charge par un assistant social au courant des spécificité des troubles bipolaires et/ou l'aide d'un proche sont vitaux pour pouvoir bénéficier à temps et dans les meilleures conditions de tout ce que la société a prévu pour limiter les conséquences.
Anciennement appelés psychoses maniaco-dépressive, les troubles bipolaires appartiennent à la catégorie des troubles de l’humeur. Il en existe trois types, qui se caractérisent par une alternance de phases dépressives et de phases d’exaltation (dites maniaques) qui vont entraîner des troubles importants au niveau de la pensée, des actes, des émotions, du comportement et de l’état physique. Ces épisodes sont entrecoupés de périodes pendant lesquelles on peut observer, chez certains patients, la persistance de certains troubles : difficultés de sommeil, hyper réactivité émotionnelle, troubles cognitifs…
6ème cause de handicap, les troubles bipolaires affectent 1,5% de la population pour les formes les plus sévères (mais probablement près de 5% si l’on considère les maladies apparentées). On compte 8 à 10 ans entre le début des troubles et le diagnostic, ce qui a des conséquences souvent irréversibles. On observe en effet, la plupart du temps, une désinsertion socioprofessionnelle et familiale, une grande souffrance psychologique qui s’accompagne de risques de suicide (20% des patients bipolaires non traités décèdent par suicide) et des comportements à risque (alcoolisme, abus toxiques, etc.).
Par ailleurs, les personnes atteintes de troubles bipolaires présentent des risques élevés de diabète, de maladies cardiovasculaires, d’obésité, de syndrome métabolique, non ou insuffisamment pris en charge.
Le coût est considérable en termes de souffrance pour le patient et son entourage, en termes de dépenses de santé et de réhabilitation sociale.
Les avancées scientifiques
Des travaux récents, menés notamment par les équipes de la Fondation FondaMental, suggèrent que l’interaction de différents facteurs à la fois génétiques, biologiques et environnementaux pourrait être à l’origine des troubles bipolaires et des pathologies qui leur sont associées.
Le traitement des troubles bipolaires repose à la fois sur des thérapeutiques médicamenteuses (en période de crise mais aussi en prévention) et sur des thérapeutiques non médicamenteuses comme la psychoéducation, qui diminue de 50% les rechutes et les ré-hospitalisations.
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